Plantes A, B, C
Capillaire Vert
C’est le Capillaire de Montpellier qu’on appelle aussi poétiquement Cheveu de Vénus.
A l’état spontané, on le rencontre surtout aux environs de Montpellier, mais aussi en Corse et dans l’ensemble ombragés et pierreux (puits, grottes).
Le Lillois Lobelius, qui étudia la médecine de Montpellier, fut le premier à utiliser le Capillaire contre l’asthme et la coqueluche.
A la même époque, Olivier de Serres, le père de l’agriculture, le cultivait aussi dans son célèbre Jardin médicinal, créé à l’imitation de celui de Montpellier. Il lui accordait bien plus de vertus, car, à son avis, le “Cheveu de Vénus brise la pierre et la gravelle, faict uriner, estanche le flux de sang coulant du nez, guérit la teigne et aussi ceulx qui ont la jaunisse”.
Après avoir au XVIIIème siècle, parfumé la bavaroise du Café Procope, le Capillaire continua à être utilisé, pour ses propriétés pectorales et expectorantes, contre la toux, les rhumes, les bronchites.
Camomille romaine
Plus communément appelée « camomille » tout court, la plante est employée en usage culinaire, médicinal (particulièrement en tisane), et cosmétique. Elle ne doit pas être confondue avec deux autres plantes médicinales lui ressemblant et appelées aussi localement « camomille » : la petite camomille Matricaria recutita et la grande camomille Tanacetum parthenium.
Cette petite plante, bien connue, est la gloire de Chemillé, en Maine et Loire, qui produit à elle seule toute la Camomille française : 70 t par an. La qualité Maine et Loire, caractérisée par des fleurs doubles, est la qualité supérieure. Mais la Camomil, c’est à Galien, l’oracle de Pergame, qu’appartient l’honneur d’avoir employé la Camomille contre les maux de tête, les migraines rebelles, les névralgies. Il l’utilisait aussi contre les coliques et les affections du foie.
En usage dans toutes les familles, la fleur de Camomille est vraiment très précieuse.
Camomille Allemande
Le nom de genre Matricaria vient du latin matrix, -icis « 1. reproductrice, femelle, 2. matrice » (Gaffiot) et du suffixe -arius, -aria, par allusion aux vertus emménagogues de la plante.
Le terme de camomille remonte au grec chamaimelon χαμαιμηλον, littéralement « pomme du sol », le parfum de la camomille rappelant aux Grecs celui des pommes.
L’ancien épithète spécifique recutita est une flexion du latin recutitus « circoncis » (Gaffiot) par allusion au fruit sans pappus.
Histoire
Des plantes de type “camomille” ont été utilisées dans les pharmacopées de l’Antiquité aussi bien en Égypte, qu’en Grèce ou à Rome et les anciens Germains (Warnes, Haries, Jutes, Angles, etc.) connaissaient déjà ses vertus médicinales. Bien qu’il soit souvent difficile d’identifier exactement les plantes mentionnées dans les textes anciens en termes d’espèces botaniques (une notion moderne qui n’a commencé à se préciser qu’au XVIIIe siècle avec Linné et Buffon), le latiniste de l’EPHE, Jacques André, y a reconnu la Matricaria chamomilla sous 16 phytonymes différents (aloitica, anthemis 3, apiana, beneola, chamaemelon 1, eranthemis, etc.).
L’encyclopédiste romain du Ier siècle, Pline, lui-même donnait six noms synonymes et précisait que « il y en a trois sortes qui ne diffèrent que par le feuillage et qui ne dépassent pas une palme ; elles ont de petites feuilles semblables à celles de la rue, blanches, couleur de pomme ou pourpres. » (H.N., livre XXII, 53). Stéphane Schmitt, le traducteur de Pline, indique que ces « trois sortes » sont les trois espèces, actuellement nommées : matricaire camomille Matricaria chamomilla, matricaire dorée M. aurea et Anthemis rosea, la différence de couleur porte en réalité sur la fleur, non sur le feuillage.
Sous Charlemagne, le capitulaire De Villis (De villis vel curtis imperialibus) daté de l’an 812 recommandait la culture d’un certain nombre de plantes potagères dans les jardins du domaine royal. Parmi celles-ci, on trouve febrefugia qui pourrait être la matricaire camomille.
Acore odorant
Très répandue sur le bord des étangs et dans les fossés, cette plante vivace peut atteindre 1 m de haut. On utilise le rhizome, très aromatique et un peu amer, qu’on récolte en été. Notons, enfin, qu’il est remarquable pour la conservation des fourrures et que, dans certains pays, on l’emploie pour parfumer la bière.
Aussi dit schoenante, le rhizome était l’un des multiples constituants de la thériaque de la pharmacopée maritime occidentale au XVIIIe siècle.
Au Canada, cette plante est nommée belle-angélique par les Québécois et sweet flag par les anglophones ; certains amérindiens en chiquent le rhizome pour ses effets stimulants et thérapeutiques.
Historiquement, l’acore (changpu 菖蒲) est un ingrédient de la médecine traditionnelle chinoise. On considère actuellement que le terme peut désigner shuichangpu 水菖蒲 Acorus calamus L. et shichangpu 石菖蒲 Acorus tatarinowii Schott. L’acore changpu est cité dans la première pharmacopée chinoise Shennong bencao jing (aux environs du début de notre ère).
La notice indique :
- âcre, chaud.
- Traite les troubles liés au “vent froid humide”, la toux, à s’oppose au Qi ascendant.
- Il ouvre la porte du cœur.
- Nourrit les cinq organes, libère les neuf orifices, éclaircit les yeux et les oreilles, [aide] les articulations de la voix.
- Pris longtemps, allège le corps, améliore la mémoire, prévient la confusion et prolonge la vie.
Autre nom : changyang. Pousse dans les étangs et les marais.
En Inde, la médecine ayurvédique le dénomme “Vacha” et en fait un stimulant nerveux, digestif, émétique (à haute dose), expectorant et décongestionnant des sinus et diurétique.
Les Tartares l’employaient pour désinfecter leur eau de boisson.
Calament
Dégageant une odeur douce et agréable, le Calament est une plante voisine de la Menthe et de la Mélisse, jouissant d’ailleurs du même type de propriétés.
Au Moyen-âge, le Calament avait une grande réputation et Bernard de Gordon le préconisait contre le hoquet, les éructations, les douleurs d’entrailles, l’aménorrhée.
Busserolle
L’usage médicinal de la busserole est attesté depuis le XIIIe siècle par les médecins de Myddfai (Pays de Galles). La plante a été mentionnée dans des herbiers de la Renaissance, sans indication d’ordre médicinal. Elle a été décrite par Charles de L’Écluse dans Historia Rariorum Plantarum paru en 1601 et plus tard par Linné dans son Materia Medica paru en 174928. Elle a été recommandée pour usage médicinal notamment par Gerhard de Berlin en 1763. La busserole a été signalée vers le milieu du XVIIIe siècle par Anton de Haen, médecin autrichien, comme un remède efficace en cas de néphrite et même de lithiase.
Elle a été inscrite dans la Pharmacopée de Londres (London Pharmacopoeia) pour la première fois en 1788, bien que son usage était probablement plus ancien et dans la pharmacopée américaine (United States Pharmacopeia) de 1820 à 1926. En Europe, la busserole est d’usage officiel depuis le début du XIXe siècle.
On l’a utilisée pour le traitement de diverses maladies telles que l’hydropisie, la lithiase, le diabète, la gonorrhée, etc., mais seule est restée l’utilisation comme antiseptique et diurétique des voies urinaires. La feuille de busserole était également utilisée en Amérique du Nord par les Amérindiens pour le traitement des maladies des voies urinaires.
Marco Polo reporta qu’au XIIIè siècle, les Chinois l’utilisaient comme diurétique pour soigner les reins et les problèmes urinaires. Les Amérindiens l’utilisaient également pour ces troubles mais aussi pour traiter certaines maladies vénériennes, les calculs urinaires, la cystite et l’urétrite, et enfin l’obésité. Les colons américains l’ont utilisée aussi contre les néphrites..
Rabelais ne nous a rien laissé ignorer des propriétés diurétiques de la Busserole, efficace dans les calculs de la vessie et même dans la blennorragie, puisqu’elle en guérit Pantagruel : “Luy pris une pisse chaude qui le tourmenta fort, mais ses médecins le secoururent bien, avec force drogues diurétiques, et luy firent pisser son malheur.”
Divers travaux modernes ont prouvé les vertus incontestables de la Busserole : Celle-ci est un antiseptique urinaire puissant, très actif chaque fois qu’il y a inflammation et infection des voies urinaires et, notamment, dans l’hypertrophie de la prostate avec pyurie (ne pas s’inquiéter de la couleur vert brunâtre de l’urine durant le traitement).
Elle donne de bons résultats dans la cystite avec muco-pus, l’urétrite blennorragique et la rétention d’urine.
Très riche en tanin, la Busserole est aussi un excellent astringent, recommandable dans l’entérite avec diarrhée, la leucorrhée, les hémorragies utérines.
Bourdaine
La bourdaine dans l’Histoire
La bourdaine est une essence forestière qui servit pendant plusieurs siècles à la fabrication de la poudre à canon. L’ordonnance de Colbert “sur le Faict des Eaux et Forêts” de 1669 ordonne le monopole de sa récolte par le Service des Poudres et Salpêtres, qui avait la charge de la payer au cours moyen des coupes de bois. Une disposition qui fut rappelée au rythme des guerres de la fin du règne du roi Louis XIV. Elle avait alors un intérêt économique important.
Durant le Consulat, un arrêté de 1803 (du 25 fructidor an XI) précisait que « le bois de bourdaine continuera à être réservé pour la confection du charbon de bois propre à la fabrication de la poudre ».
Tous les auteurs, tels Cazin, Cauvet, Lion, Leclerc, sont unanimes à classer la Bourdaine parmi les meilleurs remèdes de la constipation.
Son effet, selon les doses employées, est tantôt laxatif, tantôt purgatif, mais elle n’irrite jamais l’intestin. En même temps qu’un déconstipant de choix, la Bourdaine est aussi un remède actif de l’insuffisance biliaire.
Bouleau
C’est l’Arbre néphrétique d’Europe, mais aussi le Sceptre des maîtres d’école et l’Arbre de la sagesse, sans doute parce qu’on en faisait des verges bien cinglantes.
C’est un bel arbre de nos forêts et de nos montagnes.
L’écorce contient une huile (huile russe) d’une odeur très particulière : cette huile est le secret de la souplesse, de la force et de l’odeur qui caractérisent les “cuirs de Russie”.
On l’emploie aussi dans les lotions capillaires contre les affections.
Le Bouleau possède de puissantes propriétés diurétiques, bien démontrées par divers auteurs. Winternitz jugeait ses feuilles capables de lutter contre les rétentions hydriques d’origine cardio-rénale. Huchard était du même avis et en recommandait l’usage chez les goutteux. Cremer et Tadeusz Fajans ont de nos jours confirmé cette action en soulignant qu’elle était très marquée et prolongée, tandis qu’Artault de Vevey préconise l’infusion de feuilles dans le traitement de l’hyperazotémie et des divers syndromes (céphalées, vertiges, etc) qui l’accompagnent.
L’écorce, elle aussi diurétique, est, en outre, un stimulant de la digestion et un fébrifuge. Elle est excellente contre les maladies de peau, en particulier, contre les dartres.
Les bourgeons jouissent des mêmes propriétés que les feuilles, mais sont, de plus, recommandés contre les engorgements scrofuleux.
La sève de Bouleau est un liquide sucré qui, par évaporation, peut donner un sucre consommé autrefois dans les pays nordiques. Elle est fermentescible et peut donner un “vin” ou un vinaigre. Elle jouit des propriétés diurétiques communes aux diverses parties de l’arbre. Spécialisée d’ailleurs dans un produit homéopathique, la sève de Bouleau agit heureusement sur le terrain arthrosique, favorise l’élimination de l’acide urique et assouplit les ligaments des articulations touchées par l’arthrose.
Aloès
L’aloès est une plante qui permet deux usages distincts, selon que l’on utilise sa sève (latex) séchée ou le gel translucide présent au cœur de ses feuilles. Séchée, la sève est un laxatif puissant. Le gel translucide est utilisé frais, dans le traitement des plaies et des brûlures légères, ainsi que pour lutter contre certaines infections de la peau.
La médecine traditionnelle chinoise utilise le latex d’aloès, la sève, contre les infections dues à des champignons, contre la tuberculose ou contre les ulcères de l’estomac. On l’obtient en coupant les feuilles ou la tige de la plante. La médecine indienne la recommande en cas d’insuffisance des règles. En Afrique du Sud, elle est proposée contre les inflammations des yeux et la syphilis. En Europe, la sève séchée est utilisée comme laxatif.
Les principes actifs du latex séché d’aloès sont des dérivés anthracéniques (anthraquinones, dont la barbaloïne) qui agissent de plusieurs façons : en stimulant les contractions intestinales et en diminuant la réabsorption de l’eau contenue dans les aliments, maintenant ainsi les selles molles. Son effet laxatif est également dû à une action irritante sur les parois de l’intestin, ce qui limite l’usage de l’aloès dans la constipation.
Le gel translucide des feuilles semble posséder une action anti-inflammatoire qui serait due à la présence de salicylates capables de bloquer la sécrétion d’histamine (une substance importante dans la réaction inflammatoire). Les mécanismes de ses propriétés cicatrisantes ne sont pas clairement élucidés.
Aspérule odorante
Cette plante tire son nom commun et scientifique de l’odeur qu’elle acquiert en séchant. Le terme « aspérule » provient du latin asper signifiant « rude », « rugueux », caractérisant le bord de ses feuilles.
Récoltée de mi-avril à début mai, puis laissée à macérer dans du vin blanc de Moselle, elle sert de base aromatique à la préparation d’une boisson apéritive traditionnelle de la région d’Arlon (province de Luxembourg, Belgique) et du Luxembourg : le vin de mai appelé « Maibowle » ou « Waldmeisterbowle » ou « Maitrank ». Le « sirop d’aspérule » est un des deux sirops qui accompagnent traditionnellement la Berliner Weiße, une bière allemande légère et acide au froment.